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| Med Sci (Paris). 2009 October; 25(10): 771–772. Published online 2009 October 15. doi: 10.1051/medsci/20092510771.Accidents vasculaires cérébraux : où en est la thérapeutique ? Jean-Claude Baron* Department of Clinical Neurosciences, University of Cambridge R3 Neurosciences - Box 83, Addenbrooke’s Hospital Cambridge, CB2 2QQ Cambridge, Royaume-Uni MeSH keywords: Humains, Régénération nerveuse, Neurones, Neuroprotecteurs, Accident vasculaire cérébral, Traitement thrombolytique |
Malgré les bénéfices indiscutables apportés par la prévention, l’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI, ~80 % des AVC) reste une cause majeure de mortalité et de handicap acquis dans le monde industrialisé, et son incidence croît rapidement dans les pays en développement. L’occlusion aiguë d’une artère cérébrale par un caillot sanguin cause une hypoxie brutale du tissu irrigué en aval. Même si les anastomoses artérielles naturelles, bien développées au niveau cortical, tendent à compenser la chute de pression sanguine en aval du caillot, une hypoxie sévère mettant en jeu la survie des neurones, des cellules gliales et des structures vasculaires persiste au centre de cette zone. Un infarctus (défini par la nécrose totale de la substance cérébrale) peut alors se développer. Or le volume de celui-ci détermine le déficit fonctionnel, même après la prise en compte des phénomènes de réparation, plasticité et réorganisation du tissu non lésé. L’objectif primaire du traitement des AVCI est donc de diminuer la taille de l’infarctus. Dans cet objectif, la « pénombre ischémique » est un phénomène crucial montré dès les années 1970 chez le babouin, et par la suite confirmé chez le rongeur et, grâce à la tomographie à positons, chez l’homme. La pénombre ischémique (à distinguer de la région péri-infarctus définie post-mortem, qui n’a pas nécessairement été « pénombrale » initialement) se réfère à un tissu sévèrement ischémique mais qui n’est pas irréversiblement lésé et peut encore être sauvé de l’infarcissement s’il est rapidement reperfusé. Si, au contraire, l’obstruction artérielle persiste, le tissu pénombral s’infarcit graduellement et de façon concentrique, les zones les plus sévèrement hypoperfusées étant les premières recrutées ; ce phénomène évolutif peut durer jusqu’à la seizième heure chez certains patients, après quoi l’infarctus atteint sa taille définitive. Empêcher cette évolution défavorable est l’objectif principal des traitements au stade aigu. À un stade ultérieur, une fois l’infarctus établi, l’objectif des actions thérapeutiques est d’augmenter les capacités de réparation et de plasticité et d’entraver certains phénomènes pouvant conduire à la mort secondaire de neurones initialement préservés. |
Après 30 ans de recherches intensives et très coûteuses, un seul traitement de l’AVCI aigu est disponible à ce jour : la thrombolyse intraveineuse par le rt-PA (recombinant tissue plasminogen activator) dans les trois heures (en cours d’extension à 4,5 heures) qui suivent l’accident. Ce traitement ne peut cependant être administré lorsque le patient est vu plus tardivement, ou que l’heure de survenue de son AVC n’est pas connue, deux situations fréquentes en pratique ; de plus, pour limiter le risque d’hémorragie grave qui survient le plus souvent au niveau de la zone nécrotique, il existe de très nombreuses causes d’exclusion, par exemple une pression artérielle élevée. Ce risque hémorragique, intrinsèque à la nécrose cérébrale et qui peut survenir spontanément, est accru par le rt-PA qui a des actions délétères au niveau de la matrice vasculaire. De plus, le rt-PA intraveineux ne permet la recanalisation que d’environ 30 % de patients en plus de la thrombolyse naturelle. Or, la récupération clinique est directement liée au volume de la zone de pénombre qui échappe à l’infarctus, et par conséquent à l’efficacité de la reperfusion et à sa précocité. La recherche se tourne donc actuellement vers les adjuvants au rt-PA, les nouveaux thrombolytiques et d’autres méthodes de reperfusion, l’espoir étant à la fois une recanalisation plus efficace et un risque hémorragique moindre, même au-delà du seuil des 4,5 heures. Par exemple, l’application du Doppler transcrânien pendant une heure après le rt-PA semble augmenter la fréquence de la recanalisation, probablement en facilitant l’interaction entre le rt-PA et le caillot. La thrombolyse locale par voie intra-artérielle (précédée ou non d’une injection par voie intraveineuse) et la thrombectomie augmentent les chances de revascularisation et semblent permettre de bonnes récupérations même jusqu’à 6 ou 8 h après l’ictus, mais leur coût est considérable. De nouveaux thrombolytiques plus efficaces et moins dangereux que l’altéplase, tels que la desmotéplase, la tenectéplase et la microplamine, sont également à l’étude. Par ailleurs, moins sophistiquée mais s’appliquant potentiellement à tous les patients, la simple prévention de complications systémiques post-AVC que sont l’hyperglycémie, l’hypoxie et l’hypotension permettent de contrer l’aggravation des dégâts cérébraux. |
La recherche de médicaments neuroprotecteurs s’est heurtée à des échecs retentissants. Au-delà de multiples problèmes concernant la pertinence des modèles animaux et leur transposition dans les essais cliniques, espérer prévenir la mort neuronale alors même que l’occlusion vasculaire persiste apparaît aujourd’hui comme un leurre. En revanche, administrer un neuroprotecteur de façon à maintenir les neurones en survie jusqu’à la reperfusion est une voie intéressante, et efficace dans les modèles animaux. De plus, un tel traitement pourrait s’appliquer à tous les patients avant même leur arrivée à l’hôpital. Une approche similaire et particulièrement rationnelle sur le plan physiopathologique, également éprouvée chez le rongeur et en cours d’étude chez l’homme, est la simple administration d’oxygène normobare jusqu’à la reperfusion. Néanmoins, développer un traitement efficace pour les nombreux patients chez lesquels une revascularisation s’avère impossible doit demeurer un objectif important. |
Une difficulté supplémentaire : l’hétérogénéité des patients Un élément clé à prendre en compte dans l’équation thérapeutique est l’hétérogénéité sous-jacente aux AVCI. Les AVC par occlusion d’une petite artère perforante (environ 20 % des AVCI) posent des problèmes physiopathologiques différents de ceux posés par les AVCI par occlusion des grosses artères, mais au sein même de ces derniers, il existe une hétérogénéité importante reflétant l’évolution individuelle des premières heures. Ainsi, certains patients développent très vite une large zone de nécrose avec pénombre résiduelle limitée ou absente et, chez eux, vouloir recanaliser est illogique et également dangereux, le risque hémorragique étant proportionnel au volume de nécrose. Ces patients, exposés au risque d’œdème vasogénique étendu avec extension de l’infarctus et décès en 3 à 5 jours (AVC dit malin), peuvent désormais bénéficier d’une décompression chirurgicale précoce. Des essais d’hypothermie modérée sont également en cours. D’autres patients recanalisent spontanément et sauvent leur zone de pénombre très précocement, avant même leur arrivée à l’hôpital. Chez eux, la thrombolyse est également inutile, coûteuse et potentiellement dangereuse. L’IRM de perfusion et de diffusion couplée à l’angiographie par résonance magnétique permet d’écarter ces deux types de patients et est de plus en plus utilisée en routine ainsi que dans les essais cliniques, principalement au-delà mais également dans les limites des 3 heures, même si le bénéfice de cette approche reste encore à démontrer. |
Inflammation post-reperfusion : amie ou ennemie ? Une fois la désobstruction obtenue, sont à l’étude des traitements visant à réduire certains phénomènes post-reperfusion affectant le complexe neurovasculaire, notamment l’inflammation (activation microgliale et transformation macrophagique, infiltration neutrophilique), la génération de radicaux libres et la perturbation de la barrière hémato-encéphalique. À ce jour, aucune étude visant ces cibles ne s’est révélée positive chez l’homme. Un point important est que ces phénomènes ont également des effets bénéfiques, au moins à certains stades évolutifs du processus, et lutter contre eux peut s’avérer contre-productif. Par exemple, la perte neuronale sélective présente dans le tissu initialement pénombral mais ayant échappé à l’infarctus pourrait être en partie secondaire à l’activation microgliale, mais celle-ci libère parallèlement des facteurs de croissance qui contribuent au remodelage péri-infarctus. |
Régénération neuronale : utopie ou science-fiction ? Vouloir régénérer des neurones fonctionnels après infarctus cérébral paraît relever de l’utopie, tant la complexité des systèmes régissant le comportement est grande. Par exemple, vouloir stimuler la mobilisation des neuroblastes endogènes ou greffer des cellules souches se heurte au problème de leur survie limitée à quelques semaines, et à leur improbable différenciation en neurones fonctionnels. Un objectif moins ambitieux de ces approches, qui s’applique également à l’administration systémique de cellules souches, est de stimuler par effet pléitrope la plasticité péri-infarctus et, par là, d’améliorer la récupération fonctionnelle, comme cela a été montré chez le rongeur. Déclencher une plasticité non- ou mal adaptée est un risque qui doit néanmoins rester présent à l’esprit. Un dernier champ de recherche, également très actif, a pour cible les zones corticales situées à distance de l’infarctus. Par exemple, la stimulation d’ensembles neuronaux inefficaces ou l’inhibition d’ensembles anormalement hyperactifs au moyen de la stimulation magnétique transcrânienne, voire plus prosaïquement par neuro-rééducation spécifique, est un concept séduisant. Lorsqu’elle est appliquée au cortex moteur primaire ou à certains cas d’aphasie, elle peut aboutir à des résultats fonctionnels prometteurs, comme cela a été récemment rapporté. |
Le champ scientifique des AVC, sorti il y a moins de 25 ans du nihilisme le plus dogmatique, est encore embryonnaire. Un traitement efficace est néanmoins déjà à la disposition du public. En plus de la prévention, de très nombreuses pistes thérapeutiques restent à explorer pour réduire le handicap fonctionnel. Rendez-vous dans 25 ans ! |
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
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SÉRIE ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX (M/S N° 8-9 ET N° 10, 2009)
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